Oui pour une seule école, contre la sécession scolaire

Dire oui au plan d’urgence 93 dans l’enseignement public, c’est dire oui à l’école tout simplement !
Mardi 9 avril 2024 — Dernier ajout vendredi 12 avril 2024

Le Sundep Solidaires Paris refuse la guerre scolaire que le gouvernement veut nous faire jouer !
Nous ne voulons ni ségrégation ni séparatisme scolaires ; mais « du fric, du fric pour l’école publique ».

Dans Plan d’urgence, il y a URGENCE…

Les collègues se soulèvent, font bloc contre « le choc des savoirs ». Initié d’abord dans le 93, le mouvement s’organise petit à petit pour construire une mobilisation un peu partout en France, en Île-de-France, à Lyon, à Nantes, à Toulouse… Il s’agit de demander plus de moyens et de défendre le projet éducatif de nos écoles.

En réponse, quatre collègues de Blaise Cendrars à Sevran sont convoqués dans le bureau de leur chef d’établissement en présence de membres du rectorat. Ils ont témoigné par les seuls moyens qui leur étaient accessibles : leur vidéo est devenue virale sur les réseaux. Elle dénonce les conditions matérielles dégradées et humainement dégradantes dans lesquelles ils travaillent…
Un parent est venu soutenir les élèves au lycée Jean Jaurès à Montreuil. Il tente de protéger les enfants face aux équipes mobiles de sécurité du rectorat et au harcèlement de parents hostiles à la contestation du « choc des savoirs ». Il est placé en garde à vue au commissariat de Montreuil, déféré le matin au Tribunal de Bobigny… Le procès aura lieu le 13 septembre prochain mais d’ores et déjà le proviseur a pris un arrêté pour lui interdire nominativement l’accès aux abords de l’établissement jusqu’en juin 2025.
Les collègues du 93 rassemblés à Saint-Denis au moment de l’inauguration de la nouvelle piscine olympique organisent une mobilisation pacifiste. Ils sont dispersés par les forces de l’ordre venues en nombre. Il faut les faire taire pour que ne montent leurs revendications aux oreilles du Président de la République présent sur les lieux et de la ministre de l’Éducation nationale. Le secrétaire de l’union départementale de la CGT est arrêté, placé en garde à vue et relâché après sept heures de détention arbitraire.

Quelles sont les fautes qui sont reprochées à ces enseignants, élèves, parents qui affichent leur mécontentement ? Quels délits commettent-ils ? Pourquoi cette répression syndicale ? Que justifie cette violence d’État ?

Ils défendent leurs écoles et manifestent leur ras-le-bol face à l’inertie du gouvernement. Ils dénoncent : la vétusté des bâtiments, le matériel défectueux, le manque d’entretien et les conditions d’enseignement dégradées ! Ils ne peuvent plus mener à bien leur mission de service public… Quel crime ! « Haro sur le baudet ! » « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. »

Le plan d’urgence du 93 a été chiffré à 358 millions d’euros, la transformation de la piscine publique en bassin olympique privé a coûté 174 millions d’euros. Nos écoles, nos élèves, nos enfants ne valent-ils pas au moins deux piscines olympiques ?

Dire oui au plan d’urgence 93 dans l’enseignement public, c’est dire oui à l’école tout simplement !

Quand la presse ne pipe mot…

Nombreux sont les enseignants qui ont participé à la 35e édition de la Semaine de la presse au mois de mars. Ironie du sort : là où nous voulons la paix, c’est encore la guerre qui nous vole la vedette. Cette année le thème était intitulé « L’info sur tous les fronts ».

Mais la presse les oublie, les profs, s’en désintéresse, à peine compatit-elle. Pas de visibilité, pas d’oreille pour les enseignants, leurs besoins, leurs analyses, leurs propositions et revendications pragmatiques…

La presse mainstream préfère servir la soupe propagandiste et les mensonges du gouvernement en multipliant les interviews et articles sur « le choc des savoirs », ce projet autoritariste, réactionnaire et belliciste ! « Les réformes proposées par le ministre Attal, devenu Premier ministre, ne s’inscrivent pas dans la continuité des précédentes. Il n’est plus question de faire croire que le Collège est l’espace et le temps d’une formation commune donnant accès pour chaque génération à la culture utile aux futurs citoyennes et citoyens du XXIe siècle. Il s’agit d’un puissant retour en arrière, avant 1975. » [1], dénonce Jean-Pierre Véran, Inspecteur d’académie honoraire.

On discute des éléments de langage : « groupes de niveaux » ou « groupes de besoins » sans en expliciter la différence et le tri social qu’ils représentent.
On discute d’ego : la ministre de l’Éducation s’efface-t-elle devant le Premier ministre ?
On agite le chiffon rouge de la sécurité plutôt que de s’attaquer au problème de fond d’absence de mixité sociale dans nos écoles et sur nos territoires.
On instrumentalise les chiffres des résultats Pisa pour justifier la mise en place d’une énième réforme « hors sol » qui, comme les précédentes depuis Blanquer, inconséquentes, irréfléchies, sera remise en question dans les deux ans à venir parce qu’inefficace…

Personne ne semble vouloir questionner l’ingérence du Président et de son Premier ministre dans les affaires du ministère de l’Éducation nationale.

On s’époumone à relayer les effets d’annonce du gouvernement.
Emmanuel Macron s’enorgueillit de faire de l’école son « domaine réservé » et la priorité des priorités politiques « pour l’égalité ».
« J’amène avec moi à Matignon la cause de l’école », dit Gabriel Attal qui démultiplie les expressions faciles : « L’école sera une priorité absolue du gouvernement », « la mère de nos batailles »…

Pourtant, en 25 ans, en pourcentage de l’argent public dépensé, le budget de l’Éducation nationale ne cesse de baisser ! Et la presse ne cesse de réduire la question de l’Éducation en France à des données comptables, qu’elles soient celles des dépenses ou celles de la performance de nos élèves.

Il faut attendre six semaines de mobilisation pour entendre, enfin, des professeurs, des élèves, prendre la parole pour défendre le plan d’urgence 93 sur les ondes de France Culture [2].

Même combat : une École digne pour notre jeunesse ; un statut digne pour les personnels !

Personne ne semble vouloir élever le débat. Mais quelle École voulons-nous pour notre jeunesse de demain ? Que représente l’École de la République aujourd’hui ? Quel est le rôle de la puissance publique ? Sûrement pas de créer des ghettos ou une école à deux vitesses !

Depuis quelques années, on ferme un à un tous les services publics et une à une de plus en plus de classes, jusqu’à l’abandon pur et simple de nos écoles de campagne. On crée des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI). Ces derniers sont bientôt fusionnés pour créer des regroupements pédagogiques concentrés (RPC). Dans ces établissements neufs, rationalisés, on continue pourtant à fermer des classes…

Comment, dans ce contexte, ne pas se poser la question de la fiabilité de ce modèle ?

Dans la continuité des années précédentes, le nombre de postes d’enseignants va diminuer en 2024, relève le rapport de la Commission des finances au Sénat sur le projet de loi de finances : 1 314 emplois dans le premier degré et 482 emplois dans le second degré en équivalent temps plein (ETP). Dans l’enseignement privé, 501 postes de moins seront rémunérés, à 80 % dans le premier degré. En conséquence, ce ne sont pas moins de 2 300 postes d’enseignants qui devraient être supprimés l’an prochain.

Selon une étude de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), le temps de travail hebdomadaire médian des enseignants est de 43 heures. Sans parler de la grille de rémunération toujours plus défavorable aux enseignants, cette médiane est de 40 heures chez les cadres A de la fonction publique d’État.
Bref, l’attractivité du métier d’enseignant est proche de zéro, notamment du fait d’une rémunération indigne. Les démissions se multiplient. Le nombre de postes ouverts aux concours est en constante diminution et tous les postes ne sont pas pourvus au fil des rentrées.

Malgré cela, le Président propose une refonte de la formation des professeurs rétrograde : « les actuelles propositions françaises de réforme des contenus de formation des enseignants empruntent une voie opposée à l’idée d’une autonomie professionnelle des praticiens dans leur activité d’enseignement » [3], rapporte Le Monde.
Emmanuel Macron déclare aussi augmenter l’enveloppe du Pacte enseignant pour 2025. Ce dispositif missionne les personnels au lieu de revaloriser le point d’indice de leur salaire. Il sert ainsi le projet LR (Les Républicains) de la mise en place à petit feu de la privatisation de l’école. Il appelle par conséquent une réforme libérale de l’Éducation nationale. Préconisée dans le rapport sénatorial présenté le 9 juin 2022 sous le titre « Crise d’attractivité du métier d’enseignant : quelles réponses des pays européens ? », cette volonté de privatisation se confirme avec la nouvelle loi « pour l’école de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité » étudiée par le Sénat le 11 avril 2023.

Le Premier ministre, lui, s’attache à mettre en place des manuels labellisés par l’État privant ainsi les professeurs de leur liberté pédagogique pour la « renaissance » d’une pensée unique. Avec le SNU (Service national universel), la militarisation de la jeunesse est « en marche ». Ces dépenses grèvent d’autant le budget de l’Éducation nationale au profit de celui de la Défense. Il sert ainsi la politique autoritariste du Chef de l’État.

La ministre de l’Éducation nationale, elle, promet l’embauche massive de contractuels pour mettre en place les « groupes de besoins », précarisant ainsi la profession au lieu de revaloriser, maintenir et créer des postes de titulaires. Elle sert ainsi la destruction du statut des enseignants.

Stop à la casse organisée en réunion de ces hommes en costard !

Pourquoi ne pas profiter de cette baisse démographique pour mettre en place ce que les enseignants préconisent depuis plus de 40 ans : des classes hétérogènes qui participent au projet collectif de notre société, des classes à effectifs réduits qui permettraient de mener à bien une pédagogie différenciée efficace ?

Dire oui à des classes hétérogènes à effectifs réduits, c’est dire non au « choc des savoirs ».

De la responsabilité de l’école privée dans le débat

Les personnels des établissements privés sous contrat du Sundep Solidaires Paris manifestent leur soutien et rejoignent les collègues du public dans une lutte juste et nécessaire pour l’École :

  • pour une École de « l’égalité des chances » qui soit le lieu d’une émancipation et d’une construction citoyenne éclairée ;
  • sans égalité, pas de liberté, pas de fraternité ! Tel serait peut-être le véritable « réarmement civique » à engager !

Nous militons pour une application stricte du protocole d’accord signé par Pap N’Diaye, ministre démissionné, et Philippe Delorme, secrétaire général de l’Enseignement catholique, en faveur de la mixité sociale et de l’inclusion des élèves à besoins particuliers dans les établissements privés sous contrats [4].
Nous demandons à la ministre de l’Éducation de respecter son engagement de transparence sur la réalité des recrutements des élèves dans les établissements privés sous contrat en plus de l’application du premier point du protocole sur la mixité qui porte sur la constitution d’une base de données partagée. « La base est constituée, elle sera opérationnelle à compter du mois de septembre prochain. » [5]

En effet, depuis les années 2000, la sélection est croissante dans l’enseignement privé sous contrat. Elle est devenue « une sorte de bombe à fragmentation sociale ».

La loi Debré de 1959 [6] précise que tous les enfants, sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyance, peuvent avoir accès à l’enseignement privé. Pourtant, la ségrégation se renforce.

Le Gouvernement Blanquer, malgré ses refus, a été contraint par une décision de justice à rendre public les chiffres des indices de position sociale (IPS) en 2022. Ces derniers mettent en exergue le fossé social qui s’est creusé entre enseignement public et enseignement privé sous contrat. Pour les collèges par exemple, l’IPS moyen est de 74 dans les établissements classés REP+, de 106 dans le public hors éducation prioritaire, de 124 dans le privé. Dans ces établissements privés, les élèves issus de milieux favorisés ou très favorisés sont majoritaires. La proportion de ceux qui sont issus de milieux défavorisés a, au contraire, diminué pour se réduire à 16 %.

Le Sundep Solidaires Paris milite a minima pour l’entrée des établissements privés sous contrat dans la carte scolaire et demande à terme que soient intégrés les personnels dans l’enseignement public.

Selon leur statut de 2013, les établissements privés catholiques sous contrat se définissent par leur « caractère propre » [7], et en ont une définition extensive. L’article 30 précise que « l’école catholique […] constitue en elle-même une société ». L’article 183 s’achève en ces termes : « la tutelle veille à ce que les projets éducatifs soient explicitement fondés sur l’Évangile ». Certains établissements confessionnels demandent même aux parents de signer une charte par laquelle ils acceptent que « le message de l’Église catholique soit présenté et promu comme chemin de croissance et de vérité auprès des élèves ». D’autres organisent les temps confessionnels sur le temps scolaire : messes, professions de foi, etc.

La ministre de l’Éducation rappelle pourtant clairement aux sénateurs le 6 mars dernier que « le caractère propre est un élément qui caractérise l’établissement ; mais, au sein de celui-ci, les valeurs de la République sont premières ».

Nous demandons aux rectorats de ne plus faire la sourde oreille aux alertes que font remonter les syndicats présents dans les différentes commissions et de mettre en place un contrôle rigoureux des emplois du temps des élèves.

La latitude laissée aux directions engendre une pression toujours plus importante sur les personnels. Les collègues contractuels, sous peine de n’être reconduits l’année suivante, sont contraints à accepter toutes les missions qui leur sont imposées. Les classes sont toujours plus chargées pour accumuler les forfaits d’externat. Nous ne voulons pas du projet gouvernemental qui accroît le mal-être des élèves et épuise les personnels.

À la suite de la publication du rapport parlementaire examiné par la commission des affaires culturelles et de l’éducation, en conclusion des travaux de la mission d’information le 2 avril 2024 et relative au financement public de l’enseignement privé sous contrat, il apparaît que les comptes des établissements privés sous contrat demeurent d’une grande opacité.

Nous demandons une réelle transparence sur l’utilisation des fonds publics. Nous appelons la ministre de l’Éducation à rediscuter de l’octroi des subventions facultatives par les collectivités territoriales ainsi qu’un examen plus juste du calcul du forfait d’externat.

Le Sundep Solidaires Paris s’associe à l’AG Île-de-France qui appelle les collègues à rejoindre la mobilisation par tous les moyens possibles et à mettre en débat, planifier et organiser le fait de ne pas faire la rentrée dans tous les départements, écoles et établissements d’Île-de-France le 22 avril prochain.
Le Sundep Solidaires Paris sera d’ailleurs également reçu en délégation avec la CGT enseignement privé au Rectorat de Paris au sujet des dérives du « caractère propre » des établissements privés sous contrat le 23 avril.

[1« Réforme du Collège : le CSP en renfort », Le Café pédagogique, 2 février 2024 https://www.cafepedagogique.net/2024/02/02/jean-pierre-veran/

[2 France Culture, « Être et avoir », Lundi 8 mars 2023, par Louise Tourret, « Éducation : est-ce que la lutte paye ? » https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/etre-et-savoir/education-est-ce-que-la-lutte-paye-7074907

[3Tribune « Formation des enseignants : «  Les propositions de réforme empruntent une voie opposée à l’idée d’une autonomie professionnelle » », Le Monde, 2 avril 2024

[4Le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse et l’Enseignement catholique ont conclu le 17 mai un protocole d’accord décrivant une trajectoire et un plan d’action partagés, en vue de renforcer la mixité sociale et scolaire des établissements d’enseignement privés associés à l’État par contrat, relevant de l’Enseignement catholique. https://www.education.gouv.fr/mixite-sociale-et-scolaire-des-etablissements-d-enseignement-prives-sous-contrat-signature-d-un-378200

[5Sénat - 6 mars 2024, débat sur le thème : « Enseignement privé sous contrat : quelles modalités de contrôle de l’État et quelle équité des moyens vis-à-vis de l’enseignement public ? » https://www.senat.fr/seances/s202403/s20240306/s20240306010.html

[6JO 3 janvier 1960 - Loi n°59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l’Etat et les établissements d’enseignement privés https://www.assemblee-nationale.fr/12/dossiers/documents-laicite/loi-debre-1959.pdf

[7Statut de l’enseignement catholique en France – 1er juin 2013 https://enseignement-catholique.fr/wp-content/uploads/2016/07/statut-enseignement-catholique-juin-2013.pdf

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