Rentrée 2025 : Les nouveaux programmes ambitieux du cycle 3

Jeudi 8 mai 2025

De nouveaux programmes de français et mathématiques cycle 3 viennent de paraitre au Bulletin Officiel n°16 du 17 avril 2025.

Le ministère fait perdre, progressivement, à chaque nouvelle publication de programmes, de sa liberté pédagogique à ses enseignantes et enseignants.
L’introduction récurrente et cumulative de techniques et d’automatismes nuit gravement à une véritable construction des savoirs et des connaissances qui nécessiterait un temps long et progressif.

Mathématiques : une approche technicienne opposée à la liberté pédagogique

Selon les auteurs du projet des programmes en mathématiques, cette approche des mathématiques s’est inspirée des pays les mieux classés aux évaluations internationales….

Le SUNDEP Solidaires rappelle cependant que la réussite des élèves ne dépend pas uniquement des contenus enseignés, mais aussi d’autres facteurs tels que les effectifs de classe ou bien encore la formation des enseignantes et des enseignants. Le Conseil Supérieur des Programmes (CSP) prévoyait une refonte globale des programmes des cycles 3 et 4 en axant sur l’importance de la capacité des élèves à résoudre des problèmes. Il mentionne également la nécessité de mettre en place un Bac de maths dès 2026, ce qui suppose d’avoir identifié clairement le support d’enseignement, ses objectifs, ainsi que ses modalités de déroulement.

Pourtant avant de proposer de nouveaux programmes, le SUNDEP Solidaires préconisait une réflexion organisée, transparente et collective pour permettre d’envisager des changements positifs dans un ensemble qui regroupe les enseignantes et élèves.
Nous recommandions d’avoir un cadre précis mais l’absence d’évaluations des programmes existants rend incertaine l’atteinte des objectifs visés pour améliorer les compétences des élèves en mathématiques.

En se basant sur les résultats des enquêtes internationales pour identifier des points forts et faibles de l’enseignement actuel en France, les enquêtes PISA et TIMMS font ressortir par rapport aux autres pays qu’on observe en France :

  • un niveau des élèves très bas à TIMSS en 2019, aussi bien en CM1 qu’en 4e ;
  • un niveau des élèves en baisse à PISA 2022, comme dans la plupart des pays de l’OCDE, avec un maintien dans la moyenne des pays de l’OCDE ;
  • de grandes disparités sociales en France vis-à-vis des performances en mathématiques ;
  • un très faible engagement des établissements pour le suivi des élèves, conduisant à reporter la charge de l’accès aux savoirs à l’extérieur de l’école, facteur d’aggravation des inégalités sociales pour les mathématiques en particulier ;
  • un coût dépensé en France dans l’éducation très modéré, et particulièrement bas relativement aux performances des élèves et au coût enseignants, cf. OCDE (2023).

À performance égale ou supérieure selon PISA 2022, seule la République tchèque dépense moins par élève en termes de coût enseignant.

Une approche du nombre et du calcul qui va à l’encontre de la recherche

Ces programmes préconisent d’appliquer des procédures dites « efficaces », sans prendre en compte le sens des opérations. Cette approche instrumentale va à l’encontre des recommandations du Centre national d’étude des systèmes scolaires (CNESCO), qui rappelle que « le formalisme prématuré nuit à la compréhension des nombres ». En privilégiant la rapidité d’exécution plutôt que la construction du raisonnement, ce projet de programme risque d’augmenter les « malentendus scolaires ». Ces obstacles risquent d’empêcher les élèves de répondre aux attentes de l’enseignante et de l’institution, en plus de pénaliser les élèves des classes populaires.

Par ailleurs, la conception du nombre demande d’avoir une vision globale entre nombre, calcul mental et techniques opératoires. Or ces programmes préconisent une séparation rigide entre ces trois domaines. En effet, comme le soulignaient les programmes de 2015, ces trois dimensions doivent être articulées pour favoriser une compréhension globale des mathématiques.

L’accent mis sur la « fluence numérique » (15 résultats restitués en trois minutes) reflète cette logique mécaniste, au détriment du développement d’une intelligence du calcul flexible et adaptée aux contextes numériques variés.

Ce qui est positif dans ces programmes mathématiques :

  • Faire le lien entre nombres décimaux et fractions décimales. Ceci est cohérent avec le système international d’unités. Cependant, cette approche entre en contradiction avec l’introduction des décimaux par la monnaie dans les programmes de cycle 2, et risque de renforcer l’idée fausse qu’un nombre décimal est un simple assemblage de deux nombres entiers.
  • Résoudre des problèmes mathématiques mais trop souvent réduits à des problèmes de situations de vie quotidienne avec un traitement strictement arithmétique. C’est une vision qui ne permet pas de développer une capacité de modélisation mathématique pour préparer le cycle 4.
  • Introduction de nouveaux domaines, comme l’algèbre et probabilités, pourrait être une avancée intéressante pour préparer le cycle 4. Toutefois, sans allègement du reste du programme, cela risque de conduire à une surcharge, imposant un rythme d’apprentissage trop rapide et pénaliser les élèves les plus éloignés de la culture scolaire.

Améliorer le niveau des élèves cela nécessite donc une augmentation du coût de l’éducation accompagné d’une réflexion commune avec les professionnel.les de terrain sur les conditions de travail et de formation des enseignant.es pour :

  • Diminuer le temps de travail devant élèves et augmenter le temps dédié au développement professionnel, en incluant temps de concertation entre pairs, temps de formation et temps pour les échanges individuels ;
  • Assouplir les contraintes pour laisser davantage d’autonomie aux équipes pédagogiques pour organiser le temps scolaire et permettre une meilleure implication des établissements dans le suivi des élèves. Cf. rapport du Collectif Maths&Sciences publié en avril 2024 pour la mission d’information parlementaire sur la formation et le recrutement des enseignants.

Enfin, les auteurs introduisent également des inégalités d’apprentissage en connaissance de cause entre les élèves lorsqu’ils introduisent les devoirs à la maison en mathématiques… Beaucoup de contradictions… que le SUNDEP Solidaires dénonce fortement.

Français : une approche très « normalisante » et prescriptive

Comme en mathématiques, les auteurs préconisent des programmes avec des « exemples de réussite » visant à uniformiser les pratiques enseignantes. Les auteurs des programmes expliquent la nécessité de proposer des exemples face au recrutement en nombre croissant de contractuel.les.

Cette logique privilégie donc la mise au pas du métier enseignant plutôt que le développement d’une véritable formation professionnelle ambitieuse.

En français, une approche qui s’éloigne de la notion de cycle

L’organisation du programme repose sur une séparation stricte entre lecture, écriture, oral, vocabulaire, grammaire et orthographe. Cette structuration favorise une approche purement applicative, où les élèves doivent avant tout maîtriser des règles plutôt que de comprendre la langue comme un outil d’expression et de pensée dans son ensemble.

Les professeur.es devront organiser des « activités », mais sans expliciter les savoirs à construire en amont. Par exemple, la dictée quotidienne devient un rituel imposé, sans réflexion sur son intérêt et sur ce qu’elle peut provoquer pour les élèves. Or, la sociologie des apprentissages montre que cette approche peut enfermer les élèves les plus fragiles dans des tâches mécaniques vides de sens, sans leur donner les clés de compréhension nécessaire à leur progression.

Des élèves sont chronométrés et orientés vers des automatismes qui ne leur permettent pas de développer leur culture écrite

Le programme impose un rythme rigide aux enseignantes et enseignants, en prescrivant des objectifs hebdomadaires et quotidiens. Du côté des élèves, des objectifs chiffrés (CM1 : 110 mots/min, CM2 : 120 mots/min) transforment la lecture en un exercice de vitesse, au détriment de la compréhension. Ce qui était auparavant un indicateur permettant notamment d’évaluer les élèves devient un objectif en soi.

L’automatisation du déchiffrage, pour les élèves en difficulté, va enfermer tous les élèves dans la technique au détriment du développement des stratégies de compréhension en littérature mais également dans d’autres disciplines. Or, ce cloisonnement enferme les élèves les plus fragiles dans un rapport mécanique à la lecture, limitant leur accès à la culture écrite.

Points positifs : s’appuyer sur les textes littéraires pour écrire

  • Les élèves ont la possibilité de lire pour écrire et inversement : « l’enseignement de la lecture et de l’écriture s’envisage de façon complémentaire et simultanée ». De même, l’écriture y est reconnue comme un outil de pensée et d’apprentissage transversal à toutes les disciplines.
  • Les programmes proposent des œuvres littéraires à lire, ce qui est positif. Cependant, la création de listes obligatoires pose problème. Ces dernières risquent de figer les pratiques.

Le SUNDEP Solidaires demande qu’elles restent évolutives via éDUSCOL, comme en 2002.

Améliorer le niveau des élèves nécessite une augmentation du coût de l’éducation accompagné d’une réflexion commune avec les professionnelles de terrain sur les conditions de travail et de formation des enseignantes pour :

  • Diminuer le temps de travail devant élèves et augmenter le temps dédié au développement professionnel (incluant temps de concertation entre pairs, temps de formation, temps pour les échanges individuels) ;
  • Assouplir les contraintes pour laisser davantage d’autonomie aux équipes pédagogiques pour organiser le temps scolaire et permettre une meilleure implication des établissements pour le suivi des élèves. Cf. rapport du Collectif Maths&Sciences publié en avril 2024 pour la mission d’information parlementaire sur la formation et le recrutement des enseignants.

Le SUNDEP Solidaires dénonce les orientations récentes décidées par le ministère de l’éducation qui semblent aller à l’encontre des propositions ci-dessus, pourtant conformes aux recommandations du rapport PISA :

  • Restriction de liberté pédagogique des équipes auxquelles le ministère impose des modalités pédagogiques par groupe de niveau ;
  • Un pacte enseignant qui fait obstacle à la formation continue en réduisant les possibilités de modulation des emplois du temps en cas de déplacement de cours pour libérer des temps de formation continue.

Sources :

  • OCDE (2023), Regards sur l’éducation 2023 : Les indicateurs de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris : https://doi.org/10.1787/ffc3e63b-fr voir p.348 graphique C7.3 : La France est le pays où le ratio coût enseignant/coût éducation est le plus faible, derrière la République Tchèque.
  • OCDE (2023), PISA 2022 Results (Volume I) : The State of Learning and Equity in Education, PISA, Éditions OCDE, Paris : https://doi.org/10.1787/53f23881-en voir p.139, figure I.4.15 : À performances égales ou supérieures en mathématiques, seulement 6 pays dépensent moins pour l’éducation.

Retrouvez l’article sur le site national du SUNDEP Solidaires, Sud enseignement privé, ici.

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